Je l’aimais absolument.

Elle tente de paraître gaie,

Force le trait parfois.

Sous l’apparente légèreté, un monde de tristesses !

Je ne comprends pas,

Je ne comprends pas.

Je suis là, moi, pourtant.

Je t’aime,

Je peux te sauver.

Ma seule présence aurait dû être une joie pour toi,

La tienne l’était pour moi,

Immense.

L’enfant est confiant,

Sans malice.

Le chagrin de la mère

Suintant derrière la joie,

Accable l’enfant

L’inquiétant à jamais.

Pourquoi n’es-tu pas heureuse ?

J’ai peur que tu t’en ailles

J’ai peur que tu te tues.

Je faisais semblant,

Même pas peur !

Qu’allait-elle faire de ce tas de chagrins ?

Je prenais tout très au sérieux

M’inquiétais vraiment.

Chaque mot qui l’éloignait de moi créait la peur.

Quel chagrin ?

Était-il vrai ?

Chagrin du jour qui meurt ?

Chagrin des rêves abandonnés ?

Les faux chagrins n’existent pas.

Parfois le jour soufflait le voile

Sa joie frémissait d’aise.

Déjeuners en campagne

Vacances à la mer

Soirs paisibles

Elle n’avait rien de commun avec les autres mères,

Demeurait avec nous en rêvant d’autres choses.

Sa vie d’avant,

Là-bas,

Sa vie d’avant le mariage et les enfants,

Qu’elle aimait tant.

Au sortir du sommeil

L’après-midi,

Je revois ses sourires détendus,

Le gout de vivre au bord des lèvres

Elle aurait pu être une amie

Elle regrettait de ne pas être notre amie.

Elle avait le pouvoir du bonheur.

Moi,

Pas le pouvoir de la rendre heureuse

Croire qu’on peut sauver sa mère !

Orgueil fou !

Amour fou !

Peut-être invente-t-on sa mère ?

Ivre,

Prostrée en ses pensées.

Le lendemain, elle renaissait

J’étais anéanti.

J’aurais cueilli en brassée les fleurs du ciel pour colorer ses jours.